Revoici le tout premier numéro des Carnets Ludographiques, enregistré avec l'ami Kobal et publié pour la première fois en mai 2014 sur Radio Rôliste (à l'époque où on arrivait encore à faire des épisodes de moins d'une heure).
On y expliquait ce qui me paraît le fondement de toutes les réflexions ultérieures : définir des intentions narratives pour ses parties, en particulier...
● définir une note d'intention pour nos histoires, par leur thème , leur ton et leur propos,
● comment exploiter sa thématique,
● le pouvoir fédérateur du ton,
● formuler son propos pour donner du sens à ses scénarios,
● la part d'intentions narratives qui revient aux joueurs,
● orienter les réactions de l'environnement afin de soutenir vos intentions tout en rendant l'univers interactif,
● "annoncer" subtilement ses intentions par le contexte,
● transmettre une émotion...
Le schéma de gestion des PNJ mentionné dans ce numéro :
Le générique de l'émission est un extrait de 'Spoon Rapael' de Orchestra Arrecife.
Les "Carnets Ludographiques" ne deviendront d'ailleurs une chronique régulière que si ça semble intéresser le public, et d'autre part j'ai bien conscience d'avoir encore pas mal de choses à améliorer (nommément "se tenir constamment plus près du micro"), alors n'hésiter à nous donner votre avis : ça nous aidera certainement à donner forme au machin...
Salut Wenlock
Un plaisir de t'écouter.
Tu présentes le ton comme une perche à tendre aux joueurs mais est-ce que ce n'est pas plus évident de se mettre d'accord avant de lancer la campagne ? j'ai souvenir de notre discussion sur remember tomorrow où tu disais (à juste titre) que c'est ce qu'il te manquait le plus dans le jeu. c'est vrai qu'ici, pas de MJ pour tendre des perches. Mais si les joueurs (et MJ compris) partent dans des envies différentes, ça ne me semble pas plus intéressant (en gros, l'absence de MJ n'est pas le critère).
Je concède bien volontiers que des séries télé arrivent à alterner des épisodes sombres et d'autres très légers. Penses-tu qu'il faut prévenir les joueurs du ton de la partie du jour ? ou au contraire les laisser "découvrir" à travers les perches tendues ?
Il me semble que ça dépend essentiellement des groupes : si tu joues avec des gens qui sont presque tous MJ eux-aussi et sont capables de formuler (donc de discuter) leurs intentions narratives, je pense que ça vaut le coût d'en profiter, parce que c'est plus facile.
Par exemple, la campagne de space-opera que j'emploie comme exemple ("Extrême-Orion", de son petit nom) a ainsi été précédée d'une longue séance de discussion/création commune sur les thèmes, le ton et les différents propos que MJ et joueurs voulaient voir mis en scène au fil de la narration. On débriefe également les parties jouées presque à la fin de chaque séance : on dit ce qu'on a aimé, regretté et ce qu'on voudrait pour la suite. Et puis, plus ou moins régulièrement (que ce soit en fin d'arc narratif ou lorsque survient un épisode où les PJ ont le temps de se poser pour faire des choix à moyens termes), on prends un peu de temps pour discuter des enjeux de la campagne, de son ambiance, de ce qui mérite d'être modifié ou développé... Mais c'est un groupe de jeu entièrement constitué de rôlistes vétérans, tous MJ par ailleurs et qui sont tous intéressés par le fait de contribuer à l'univers comme à la narration.
Inversement, quand je mène avec des groupes moins "unis" par le partage des tâches narratives, par exemple en convention où les participants ne se connaissent pas, je manifeste mes intentions par la narration elle-même (donc sans discussion "hors-jeu" préalable), souvent en forçant un peu le trait pour les faire mieux sentir (même si elle ne sont pas forcément "conscientisées" par les joueurs, ils y réagissent intuitivement). Et s'il s'avère que les perso créés ou les discussions autour de la table font apparaître d'autres intentions que celles que j'ai amenées, je tâche d'intégrer "naturellement" celles qui me conviennent, sans vraiment m'interrompre pour l'expliciter mais en re-proposant aux joueurs une version modifiée, pour ainsi dire "harmonisée à mes propres intentions", et voir s'ils la saisissent sous cette nouvelle forme. Si oui, on pourra établir une sorte d'échange narratif naturel, complètement intégrée à la séance, sans avoir besoin de le formuler clairement et parfois sans même que les joueurs aient vraiment conscience que le MJ s'approprie et développe leurs propositions : quand ça marche, ils savent juste que "ça leur plaît" (puisque la partie intègre leurs suggestions), sans avoir besoin de se rendre compte que c'est parce que le MJ a été bien d'avantage "coordinateur" et "metteur en scène" des idées de tous que simplement scénariste.
Là, ça demande plus d'efforts au MJ (attention, improvisation, création combinatoire...) que de simplement en causer avec le reste du groupe, tout ne produisant souvent des résultats moins précis. Mais ça prends moins de temps (puisque ça se fait "durant le jeu") et ça marche même avec les gens qui, a priori, n'auraient pas su formuler des intentions narratives explicites si on le leur avait demandé (ou peut-être n'aurait pas su s'accorder dans le temps imparti).
Très intéressant, comme premier épisode.
Surtout que tes exemples s'appuient sur des histoires de flics alors que je suis justement en train d'en rédiger.
Coïncidence pour coïncidence, aujourd'hui, j'ai été jeté un œil à ton "D3" qui me branche plutôt bien.
Encore ! Encore !! ENCORE !!!
Bravo pour ce podcast très instructif. Très bonnes astuces de narrations.
Très intéressant ! Je crois même que ça m'a débloqué dans un scénar que je n'arrivais plus à écrire. J'espère qu'il y en aura plein d'autres !
Mais, mais ... est-ce à dire que ce podcast va devenir aussi intello que celui de la Cellule ???... 😉
Oulà, comme tu y vas.
Des trucs intelligents ?
Pas de ça chez nous 🙂
Très bon podcast. J'en redemande.
Faut aussi que je trouve une table pour mettre en pratique.
Très intéressant. Bravo Wenlock !
Quant au format, des interventions de 20 minutes, ça risque de faire court pour développer certaines idées, non ? Ce podcast m'a semblé bien dimensionné dans sa durée.
Puisqu'il paraît que cette rubrique ne continuera que si ça intéresse l'auditoire, je rajoute ma voix au-dit auditoire pour confirmer que c'est super intéressant.
De plus j'ai une question, m'sieur Wenlock : que penses-tu des jeux qui, par leur système, leur univers ou un peu des deux, ont déjà une intention narrative ? Parce que pour l'instant on parle de celle du maître de jeu, ce qui sous-entend que le jeu n'en a pas une par défaut. Personnellement je suis partisan des jeux AVEC cette intention, ce qui en fait des jeux qui se distinguent de leurs petits camarades parce qu'ils peuvent sortir les groupes de joueurs de leurs habitudes, leur proposer une vision et des ressentis différents. Non pas que je pense que les joueurs et MJ soient des cons, mais je sais que notre psychologie nous entraîne automatiquement vers le chemin le plus facile, celui des habitudes et des sentiers battus, et qu'il est difficile d'être seulement conscient que l'on rate d'autres possibilités, sans parler de l'effort nécessaire pour ne pas retomber dans les habitudes. Aussi quand ce sont les jeux qui tiennent ces intentions, cela permet de découvrir des intentions auxquelles on n'aurait pas pensé, puisque ce sont celles d'autres auteurs. Enfin quand le jeu soutient ses intentions par ses règles l'alchimie est encore plus complète, elles agissent comme un constant rappel et en même temps aident à ne pas retomber dans les habitudes.
Alors déjà, désolé d'avoir mis 10 jours à répondre : j'avais pas du tout vu ta question (on vient de me la signaler).
Et bien je pense plein de choses variées sur le vaaaste sujet des intentions narratives (et ludiques) des jeux eux-mêmes, tant en ce qui concerne l'univers que le système ou les scénars publiés... et d'ailleurs on en causera sans doute dans de prochains numéros (le n°2 est en cours d'enregistrement), mais ce serait très long à expliquer ici.
Alors, en très court :
je suis plutôt intéressé par les jeux qui essayent vraiment de formaliser des ressorts narratifs et ludiques, mais ils sont en fait assez rares à mes yeux . D'abord, c'est (étrangement) une préoccupation bcp plus présente dans les jeux indépendants que dans les grosses licences et, si c'est un peu le fond de commerce du courant "narrativiste", il me semble qu'assez peu de concepteurs font effectivement l'effort de concevoir une mécanique de jeu qui induise un ton ou un genre narratif précis. Et parmi ceux-là, tous n'y arrivent pas. Donc, par (relatif) manque de matériel ludique disponible (spécialement en français), c'est encore bien souvent au MJ et aux joueurs de faire ce boulot-là.
Mais à la limite, ça tomberait presque bien pour nos "Carnets", puisque ainsi ça nous donne beaucoup plus de matière à traiter pour (espérons) donner aux MJ des méthodes et des outils pour le faire. Et donc on va tâcher de proposer des choses un peu "transversales", plutôt que de débusquer et présenter les jeux qui "motorisent de vraies intentions narratives" : ça, à la limite, c'est le job de mes collègues critiques de jeu sur RR. 🙂
Ok, bien reçu. C'est vrai que les jeux qui le font, et qui le font avec succès, se comptent sur les doigts de la main. Pour les grosses licences, je dirais qu'ils ont plus envie de ne pas secouer d'habitudes pour accrocher un public aussi large que possible, parce que sinon ils ne seraient plus des grosses licences.
Et pas de problème pour le délai, je m'y attendais vu qu'il s'agit d'une zone de commentaire d'un post qui date de plusieurs semaines. =)
Bonjour Wenlock et Kobal,
Je viens de découvrir votre podcast (plus précisément les carnets, pour le moment), et j'avoue y trouver mon compte.
Kobal a parlé d'un JDR narratif ayant des scénarios sous forme de nuage de mot. Ce type d'idée correspond assez bien à ce que j'aime mettre en pratique. Je n'ai pas trouvé de lien vers un exemple, et google ne m'a pas plus aidé. Serait-il possible d'avoir un exemple clair de ce genre de scénario ?
Merci par avance, et continuez comme ça 😉
Pour me répondre, voici le lien vers le JdR :
http://www.explonarrateurs.com/
Et voici un exemple de scénario (à partir de la page 44):
http://www.explonarrateurs.com/download/Explo-1-5-printer.pdf
J'avoue que c'est déroutant, et pas forcément ce à quoi je pensais. en fait, je voyais plus un nuage de mot avec des liens, mais plus structuré... Mais pourquoi pas 😉
Bonne continuation.
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Je bois du petit lait ! Passionnant et très instructif. Merci !
Merci du compliment. 🙂
Bonjour
Merci pour ces carnets, je viens de les découvrir et suis enchanté de ce que j'y trouve.
J'ai une question au sujet du spectre de comportement, comment le génères-tu ? En effet, tu évoques autour des 20 minutes le spectre de comportements de ta campagne space-op les idéalistes, les opportunistes, les suiveurs et les empêcheurs de tourner en rond.
Ensuite, tu détailles les flics d'une autre campagne : les vengeurs, les justiciers, les fonctionnaires et les corrompus.
Pour les flics, il me semble qu'on peut plus ou moins retrouver des tendances qui évoquent un peu les alignements avec quelque chose comme :
- vengeurs = chaotique bon
- justiciers = loyal bon
- fonctionnaires = loyal mauvais (le système au-delà des personnes)
- corrompus = chaotique mauvais
J'étais assez content de moi jusqu'à ce que je réécoute le podcast et que je me rende compte que le spectre des comportements version alignements correspond pas trop au spectre de space op. Du coup, je me demande si tu as un pattern particulier que tu déclines en fonction de tes ensemble de PNJ ? Je ne te cache pas que si oui, je suis assez curieux de savoir lequel.
Dans tous les cas, merci pour mementoludi, j'ai hâte d'étudier le reste.
(Merci !)
Je ne suis pas de schéma spécifique : même le nombre de "quadrants" selon lequel je découpe mes ensembles de PNJ ne dépend que de mes besoins du moment, donc de la variété des mentalités que j'ai besoin de représenter dans un scénario (souvent 4, mais parfois 3, 5 ou 6).
Note que je n'emploie jamais la notion d'alignement quand je mène : ce n'est pas une manière de jouer la morale qui m'intéresse. Je préfère nettement les ambiguïtés et les contradictions. 😉
Besoins du moment qui peuvent être définis par le biais de tes intentions narratives et ludiques. Ok, je vois mieux comment l'ensemble peut fonctionner.
Merci pour l'éclairage 🙂
Avec plaisir. 🙂